Quand le sexe et le vice rencontrent l’horlogerie

Les catalogues d’enchères contiennent régulièrement quelques montres érotiques représentant sans équivoque possible des barons honorant leur femme de chambre ou des marquises offrant bien plus que leur jarretière à leur cocher. Et je passe les représentations de moinillons défroqués, de nonnes très ouvertes d’esprit et plus, ou, plus scabreux, d’animaux un peu trop curieux des sous-vêtements de leur maîtresse. Les montres érotiques sont un témoignage délicieux de l’histoire du libertinage depuis le XVIIIème siècle. Délicieux et malicieux, car le plus souvent, les décors et les animations érotiques ne sont visibles par le propriétaire de la montre que lorsque celui-ci l’ôte de son poignet ou soulève un couvercle. Et oui, on peut être libertin, curieux, attiré par le vice, mais néanmoins cacher ses penchants libidineux aux premiers observateurs venus. Mais le point commun de toutes les montres érotiques conçues depuis trois siècles, c’est sans doute l’humour des représentations érotiques, plus proches du Con d’Irène que de celui de Justine ou d’O…

Sexe et horlogerie: un pied de nez aux pudeurs morales et religieuses

Le premier obstacle à l’émergence des montres érotiques à automates était d’ordre technique, lié à la miniaturisation des automates, aussi appelés « jacquemarts ». Car intégrer des automates dans une montre est une opération délicate, car les personnages animés consomment beaucoup de l’énergie du mouvement. C’est d’autant plus délicat si ces jaquemarts sont associés à une autre complication comme une répétition minute. Et l’on imagine bien comment, même à la fin du XXème siècle, cette contrainte, déjà considérable dans une montre de poche ou une horloge, le devient davantage dans une montre-bracelet.

Mais le second obstacle était – encore que le présent s’applique tout aussi bien à cette phrase – encore plus épineux:  puisqu’il s’agit du niveau de tolérance ou plutôt d’intolérance des autorités morales, religieuses et politiques. Pour ne pas être accusé d’attentat à la pudeur, les horlogers rivalisèrent d’ingéniosité et de fantaisie pour tenter les acquéreurs potentiels de ces gardes-temps libertins.

Les autorités religieuses ayant pris connaissance de cette mode, elles formèrent une alliance dans les cantons suisses de Genève et Neuchâtel pour combattre le « libertinage horloger ». Ainsi, la production de montres érotiques fut interdite et la plupart des modèles existants furent saisis. Le destin des montres confisquées est à la fois prévisible et sinistre : elles furent purement et simplement détruites. Ces objets, qui pour des raisons de coûts étaient des pièces très rares, le devinrent naturellement encore davantage.

L’ingéniosité des horlogers sera donc salvatrice pour quelques unes de ces raretés. Car au lieu de placer les automates de manière ostensible sur le cadran de la boîte, certains ont imaginé un double couvercle permettant de mettre les automates à l’abri des regards inquisiteurs. Lorsque la charnière est fermée, rien ne distingue la montre érotique d’un banal garde-temps.

Mais ce qui est frappant, c’est que souvent, la montre propose deux décors: la scène coquine se cache sous une image pieuse ou purement naïve. Et parfois même, le couvercle ne laisse entrevoir qu’une partie du décor, souvent romantique, mais une fois le couvercle relevé, ce tête à tête amoureux dévoile un jeu de main ou autre des plus enivrant.

Finalement, le subterfuge reste le même, quelque soit la montre: jusqu’au XXème siècle, la montre-bracelet n’existant pas, l’érotisme est caché par un système de couvercle plus ou moins complexe. Mais avec l’apparition de la montre-bracelet et l’invention de système de réversibilité, de nouvelles perspectives se sont ouvertes pour les horlogers. Certains se contente de proposer un décor côté fond, d’autres vont plus loin, comme Svend Andersen, qui permet à l’envie de changer la face de la montre que l’on veut afficher sur son poignet.